Vite, mes chaussures ! || Joon Hyun Chang.

Elle était sacrément en retard ! Elle s'était réveillée grâce à un texto de Jun, qui lui avait envoyé un message idiot - comme d'habitude. Elle courut jusqu'à l'entrée de l'école, et manqua de tomber en ratant la marche, mais sans s'arrêter de courir, elle se rattrapa à une rambarde, et continua jusqu'aux casiers. Elle avait sport, là, et elle ne devait pas être en retard. Alors qu'elle retirait à la va-vite sa chemise pour enfiler son tee-shirt - de toute façon personne ne passait par-là ! - elle remarqua que son casier était ouvert.

Elle écarquilla les yeux, ayant peur de voir ce à quoi elle s'attendait, mais non. Il y avait un mot, mais pas celui dont elle avait peur. Ses chaussures de sport étaient envoles, du moins la gauche, et la droite, comme elle le devina, était pleine de clous. Un papier était là, au fond, et elle grimaça en le prenant. Encore une menace ? Ca devenait extrêmement pénible. Tout ça parce qu'elle était la meilleure amie de Jun Yoshita.

Avec patiente, elle retira tous les clous de sa chaussure, et elle regretta de ne pas en avoir apporté d'autres. Alors qu'elle essayait de refermer son casier, son pied droit nu se planta dans un des clous, et elle émit un cri de douleur. Elle se laissa tomber au sol, et regarda le clou qui était planté de plus de la moitié dans son pied. Un peu de sang s'échappait, et elle mordit sa lèvre - quelqu'un l'avait-il entendue ? Elle souhaita que non. Elle n'avait pas parlé à Jun de tout cela, sinon il se serait énervé. Des rumeurs courraient à leur sujet, selon lesquels ils sortaient ensemble, mais c'était faux. Ils s'adoraient, plaisantaient souvent sur le sujet, et ils étaient sûrement ce qu'il y avait de plus proches, mais ils ne sortaient pas ensemble.

Elle retira le clou d'une main tremblante, sans avoir le courage de se redresser. Elle eut envie de pleurer, cela durait depuis quelques temps, et elle était passé par des lettres de menaces à des insultes en tout genre. Elle entendit soudain du bruit et se redressa, les yeux écarquillés, ayant ravalé son sanglot. Elle pensa à ramasser ses affaires et à partir - elle était toujours en retard ! mais elle vit les clous à terre, et son pied, qu'elle n'avait pas posé au sol tellement il lui faisait mal, et qui saignait toujours, plus abondamment d'ailleurs. Elle pria pour que ce ne soit pas un professeur - si c'était un élève, elle pourrait lui faire croire qu'elle avait un exposé à faire, qu'elle s'était blessée ... Elle ravala son sanglot une nouvelle fois - elle n'aimait pas mentir, mais elle ne voulait inquiéter personne.

- Qui est là ? demanda t-elle d'une petite voix, sur un ton bas et incertain. Elle n'avait pas peur. Pas vraiment. Mais elle ne souhaitait pas rencontrer ces folles seule à seules. Elle eut un frisson, et grimaça - elle ne pouvait poser son pied sans boiter. Elle tenta de ranger tout ça, les clous, son sac, sa chaussure, mais il était trop tard, apparemment.

- Qui est là?

- Je vais vous emmener à l'infirmerie, mais indiquez moi le chemin, s'il-vous-plaît, je suis nouveau.

- Je vais vous porter, je doute qu'avec un pied dans cet état, il vous soit aisé de vous déplacer...

Alors qu'elle levait un regard brillant et inquiet, une silhouette s'avança. Elle remarqua que c'était un élève, et sa respiration qui c'était arrêtée repartit - le soulagement pouvait se lie dans son regard, qu'elle baissa immédiatement, timidement. Elle ne avait pas quoi dire : avec le sang, il était flagrant qu'elle était blessé. Il s'approcha soudain, sans équivoque, et lui tendit un mouchoir pour qu'elle essuie son pied maculé de sang. Elle accepta bien volontiers, bien qu'intimidée et gênée, et serra délicatement son pied dans le mouchoir ; le contact du tissu frais, bien que douloureux , devint agréable. Elle voulut se redresser, mais l'inconnu semblez vouloir l'aider à aller à l'infirmerie. Elle secoua la tête avec une inquiétude flagrante.

- Non ! Non, ça ira, je vous remercie ... C'est gentil de votre part. Mais ... Je ne veux pas vous déranger, c'est gentil ...

Elle continua de secouer la tête, accrochée au casier à côté d'elle, essayant de repousser cette impression de culpabilité qui montait en elle : si Jun savait qu'elle s'était blessé, il chercherait à savoir le contenu de l'affaire, et pire, et le tout en long en large et en travers. Elle ne voulait pas l'inquiéter, mais l'idée de lui cacher quelque chose lui donnait mal au ventre. Takumu resta assise, finalement, se rasseyant sur le sol dallé, et poussa un soupir. Ca brûlait, ca piquait, ça faisait mal, en un mot. Mais elle ne le montrait pas - elle ne voulait inquiéter personne.

Elle regarda le garçon, et lui fit un pauvre sourire - c'était réellement gentil de sa part qu'il lui propose son aide comme cela. Et si cela avait été dans d'autres conditions, son aide lui aurait apporté beaucoup, mais là, elle ne pouvait pas, pas quand dans cette histoire elle était mêlée à ce qui était purement et simplement de la torture physique et mentale, de l'intimidation.

- Pourriez-vous m'aider à me relever, s'il vous plaît ? demanda t-elle timidement et à voix basse.

Elle avait finalement préféré demander de l'aide plutôt que de se ramasser lamentablement, et se faire plus mal encore. Elle tendit une main, et se redressa avec maintes précautions, comme on l'aurait fait avec une malade. Elle sentait son pied transformé en braise incandescente, et elle grimaça, le pied en suspens, n'osant pas le laisser retomber au sol. Elle ne pouvait de toute évidence pas marcher, mais se força à sourire, et à prendre son courage à deux mains. Posant le pied au sol, elle sentit la douleur, fulgurant éclair, traverser son pied, jusqu'à sa cuise, et elle faillit tomber, manquant de renverser le jeune homme face à elle.

- Je ne peux pas aller à l'infirmerie ... C'est compliqué, mais je vous en supplie ... Ne m'amenez pas à l'infirmerie ...

Elle avait supplié d'un ton bas mais implorant. Elle releva un regard de chien battu vers l'inconnu, elle n'était pas au bord des larmes - bien que la douleur soit assez forte pour qu'elle ait envie de pleurer - mais elle ne pleurait pas. Néanmoins, tout en elle suppliait le garçon de ne pas l'emmener de force à l'infirmerie.

- Je ne peux pas me permettre d'y aller. L'infirmière poserait des questions auxquelles je ne dois pas répondre ...

Elle baissa le regard et rencontra les clous qui jonchaient encore le sol, comme des épines. Elle grimaça : elle ne savait pas qui était ces filles qui en avaient après elle, et elle s'en fichait. Elle ne souhaitait nullement abandonner Jun - elle ne le ferait pas, même si elle devait subir ça tout les jours. Elle espéra juste que le garçon ne poserait pas de questions - même si, de toute évidence, c'était son droit le plus strict, que de savoir dans quoi il c'était embarqué. Elle-même ne pouvait pas totalement répondre à la question. Elle poussa un léger soupir, et baissa la tête encore plus, courbant l'échine. La douleur était encore là, sourde dans sa jambe, comme si elle n'allait jamais partir.

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